Si aujourd’hui la cote de Banksy sur le marché de l’art explose littéralement (on épinglera pour mémoire Keep it spotless qui a atteint 1 230 000€ lors d’une vente à Sotheby’s New York en 2008), il n’en a pas toujours été ainsi. Comme beaucoup de street artists, Banksy officiait à ses débuts dans la clandestinité. L’artiste, bien que bénéficiant à présent d’une notoriété internationale et d'une grande popularité auprès des jeunes (la pochette de l'album Think Tank de Blur en 2003 n'y est certainement pas étranger), cultive d’ailleurs toujours jalousement son anonymat et on sait peu de choses de lui, si ce n’est une vague indication sur l’année de sa naissance (située en 1974) et des conjonctures sur son vrai nom (Robert Banks ?). Une chose semble pourtant certaine : ses premiers pas artistiques se firent à Bristol, en compagnie d’un collectif de graffeurs, nommé Bristol's DryBreadZ Crew (DBZ). C’est d’ailleurs dans cette ville du sud-ouest de l’Angleterre que l’on peut encore admirer un certain nombre de ses œuvres qui ont miraculeusement échappé à la destruction. Aujourd’hui, des pétitions d’habitants voient même le jour pour que celles-ci puissent être conservées.
De son propre aveu peu à l’aise avec l’aérosol, technique traditionnellement privilégiée par les graffeurs, Banksy opte plutôt pour un mix de techniques mêlant pochoirs, aérosol et installation. Ce choix est également dicté par la nécessité de réaliser rapidement les œuvres dans des endroits publics afin d’éviter de se faire coincer par la police, le pochoir lui permettant, tout en bénéficiant d’une grande sophistication de détails, de préparer son travail à l’avance.
Privilégiant une approche directe et subversive de l’art, il fait du détournement une de ses marques de fabrique, telles ses célèbres incursions dans les plus prestigieux musées (le MOMA de New York, la Tate Britain ou le British Museum) afin d’y accrocher incognito ses propres œuvres parmi les tableaux des grands maîtres. Faisant preuve d’un sens aigu de la dérision, il joue habillement du dialogue entre les œuvres, les siennes étant souvent des réinterprétations de grandes œuvres du passé. Certains musées, séduits par la démarche et l’audace artistique du jeune anglais ont intégré ces œuvres à leur propre collection permanente, lui offrant ainsi une reconnaissance méritée.
Cette démarche a d’ailleurs inspiré de nombreux autres artistes, au-delà même dans la sphère du Street Art, à l’instar du néerlandais Sander Veenhof, qui a récemment proposé un Banksy re-enactment, en ajoutant virtuellement un étage en réalité augmentée au MOMA où figurent un grand nombre d’œuvres nouvelles. Invisible au commun des mortels, celles-ci se révèlent aux heureux possesseurs d’un smartphone.
Artiste engagé, Banksy n’a de cesse de véhiculer son message, de déranger les conventions pour nous donner à voir une autre voie, subversive et à l’encontre de l’ordre établi. Souvent polémique, l’artiste n’hésite pas à embrasser certaines causes politiques, en réalisant par exemple des fresques interpellantes sur le mur de séparation entre Israël et la Palestine (côté palestinien). En 2006, il réalise une poupée gonflable grandeur nature vêtue d’un uniforme orange de Guantanamo et placée à l’insu des gardiens dans le parc d’attraction de Disneyland en Californie.
Banksy fait donc preuve d’un engagement radical, flirtant souvent avec l’anarchisme (un motif d’ailleurs récurrent chez lui avec ses pochoirs de rats) et porte un regard incisif sur notre époque, la politique et les faits d’actualité, prenant régulièrement position à contre-courant. Accroché viscéralement à son anonymat, il refuse la gloire, l’argent facile et l’acoquinement avec les grandes marques de prêt-à-porter, tentées à coup de milliers de dollars de s’associer à l’image « counter-culture » de ce trublion.
L’exposition à la Kunsthalle de Budapest, bien que petite en taille, a le mérite de nous proposer une plongée dans l’univers de cet artiste atypique, souvent comparé à Basquiat, voire à Keith Haring. Elle s’accompagne par ailleurs de performances musicales et de plusieurs conférences et séances de projections.
Exit through the Gift Shop, à voir jusqu’au 20 janvier 2013 à la Műcsarnok Kunsthalle de Budapest.