L’espace d’exposition, accolé aux Facultés universitaires de Namur, permet de découvrir ce tête-à-tête silencieux d’où saille une vitalité muette. Les créations d’Aurélie Bayet s’ancrent dans cet en-deçà de la vie, cet infra-mince où la parole s’est tue pour laisser place à l’absence de soi. À travers des paysages impressionnistes de corps, le travail de la jeune artiste joue de l’effacement : tout n’est plus que trace, présence mémorielle, souvenirs cotonneux perdus dans leur propre flou, moirés dans un halo de vie, instants en sursis que l’on aimerait conserver et qui s’étiolent pourtant doucement. Les visages ont disparu, les contours aussi, seule reste la prégnance spectrale d’une existence en suspens, entêtante dans son absence, comme hantée par la vie.
Dans une nature indéfinie, en demi-tons et en demi-teintes, les tirages photographiques laissent parler le grain, la matière, l’imprécis, le volontairement flou. Quelques touches de couleurs chaudes donnent pourtant l’étrange prémonition d’une forme de vie plus dense. Ces présences fantomatiques ne sont pas désincarnées, que du contraire. Elles exsudent une vie sourde, chaude, sensuelle, que leur absence partielle au monde ne fait paradoxalement que renforcer. Elles sont à proprement parler incarnées. Elles s’imposent comme la note ténue et subtile d’un parfum qui revient nous murmurer l’essence de ce qui fût.
Ces séries photographiques sont complétées par des travaux vidéo et des installations qui se déploient dans l’espace. Une herbe synthétique, trop verte, sur laquelle sont posées des briques crues, nous projettent à nouveau dans la réalité d’un monde humain, étrangement déserté. Des escarpins brûlés trônent en majesté, pendant que des soldats en plastique peints de rose se livrent à une guerre invisible et silencieuse dont ils sont autant acteurs que victimes ; non loin un fauteuil rouge sert d’écrin à un écran où une vidéo égrène des images de corps changeants. Les objets, posés ça et là, racontent leur propre histoire, dégagés des contingences de leur fonction première, libres d’exprimer à nouveau leur récit de vie polymère, qu’ils sont seuls à connaître et dont le mystère nous reste entier, imperméable à toute logique humaine.
L’univers photographique de Valérie Mottet prolonge ces moments d’apesanteur. Des images de vies arrêtées, prises au hasard des rues de Bruxelles ou d’ailleurs, tracent des passants anonymes, des reflets diffractés, des présences dont on devine qu’elles vont rapidement s’effacer dans l’éphémère du chaos urbain et que pourtant l’objectif fige là dans un instant de temps suspendu. Un travail qui fait écho à un songe éveillé auquel le reflet donne une densité particulière, des images qui se jouent des faux-semblants et brouillent les pistes pour nous amener sur les terrains mouvants d’une flânerie rêveuse.
Entre l’unes titre l’exposition. C’est bien dans cet entre-deux d’univers singuliers qu’il convient de chercher les correspondances respectives, les harmonies et la mélodie propre. Deux sensibilités féminines qui nous invitent à un moment de beauté hors du temps.
À découvrir du 15 au 25 mai 2017, de 9h00 à 17h00 au Quai 22, rue du Séminaire 22 à Namur.
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